Direction d’école : Lettre ouverte à M. le Ministre de l’Education Nationale

Lors de la séance plénière du 30 janvier 2018, le député Lionel CAUSSE, lui-même interpellé par les directeurs de sa circonscription, a interrogé Monsieur le Ministre de l’Education Nationale.
Pour la CFTC-EPR, la question est des plus importantes.
La CFTC-EPR constate que le thème a été traité devant peu de députés, 10 au maximum, montrant le grand intérêt que portent nos décideurs aux élèves de la République.
Pour la CFTC-EPR, il est important de comprendre où en est la situation des directeurs d’école et quelles sont les orientations du ministère.
Ainsi, le Député CAUSSE rappelle que « depuis plusieurs années la situation des directeurs d’école interpelle votre ministère et Inspection académique qui dans certains départements propulse dès la sortie de l’ESPE des professeurs des écoles néo-titulaires et alors trop souvent dépourvus du nécessaire à l’expertise utile et à la réussite de cette mission et sur l’attractivité de cette fonction au sein de notre système éducatif». Cette situation des plus invraisemblables, ne pourrait se produire dans d’autres administrations de l’Etat, mais face aux nombreux postes non pourvus, cela est maintenant une « tradition », comme le précise le Ministre de l’Education.
Il est aussi de tradition de se poser la question, rappelée par le député, « sur la situation des directeurs d’école primaire et maternelle et de la reconnaissance des compétences spécifiques induites par ces responsabilités à l’école primaire et maternelle et de la reconnaissance des compétences spécifiques induites par ces responsabilités en sus de leur mission d’enseignement ». « En tant qu’ancien maire, je sais l’ampleur de leur engagement et j’ai été récemment sollicité par des directeurs et directrices de ma circonscription, inquiets de ne plus pouvoir assumer correctement leur mission qui nécessite à chaque fois du temps pour passer d’une approche administrative à une approche d’expertise ». La question qui se pose, et non des moindres, sans vouloir attaquer ni les députés, ni les directeurs en postes, serait la suivante : M. le Député CAUSSE est-il le seul à avoir été interpellé par les directeurs d’école de sa circonscription ? A cette question, la CFTC-EPR répond et rappelle qu’elle milite en ce sens depuis de nombreuses années. Les directeurs des autres circonscriptions sont-ils logés à une autre enseigne ? Tous les directeurs d’école n’en peuvent plus, et pour bon nombre la coupe est pleine ! Lors des échanges avec ces derniers l’espoir est au plus bas « aucun gouvernement ne prendra en compte notre souffrance ! ».
La CFTC-EPR ne cesse de le rappeler : comment faire fonctionner une école sans moyen humain ? Là où dans un collège vous avez un principal, un principal adjoint, un CPE, 2 secrétaires, 4 surveillants, une assistante sociale, un gestionnaire, un infirmier, pour 200 élèves, à l’école primaire, pour le même effectif, vous avez en tout et pour tout un seul responsable, le directeur d’école, qui passe d’une casquette à une autre sans moyen. Aussi, oui, la question sur les moyens humains est également importante, comme le demande le Député : « Monsieur le Ministre, j’aimerais savoir si des mesures ont été arrêtées pour compenser chaque suppression d’emplois aidés sur des postes d’administratif au directeur d’école »
Une autre question du Député, qui n’est pas nouvelle en soi, puisque de nombreux rapports le notifient comme un prérequis au métier de la direction d’école, et que 93% des directeurs d’école le demandent, semble venir d’un autre monde, d’un rêve : « enfin j’aimerais connaître l’état de votre réflexion sur la création de statut de personnel de direction pour les professeurs assumant cette mission dans le premier degré ». En 2018, nous en sommes encore à une demande de reconnaissance du travail des directeurs et directrices d’école qui n’ont aucun statut pour assumer leurs missions ; Pire, l’école primaire n’existe pas juridiquement ! On pourrait se poser la question en premier lieu d’un statut de l’école ! Où en est-on à propos de la promesse électorale de donner plus d’autonomie aux écoles ?
De même, comment ne pas s’interroger sur l’attractivité du métier de la direction d’école. Au vu de la situation actuelle, de la non reconnaissance de ce métier en tant que tel, il ne peut en être autrement : en effet, comment demander à « un simple collègue volontaire » de travailler davantage, de prendre des responsabilités, d’être coupable des manquements du système, sans qu’on lui donne les moyens d’exercer ses missions. Tous les partenaires sont d’accords pour dire que le directeur d’école est le pilier de l’institution du primaire. Tous l’interpellent dans toutes sortes de situations. Il lui revient de piloter, d’encadrer, de gérer, d’apporter des solutions aux diverses demandes des uns et des autres. Cependant, les décisions qu’il prend sont plus en rapport avec sa personnalité qu’avec l’aide de l’institution. Il perd souvent du temps à essayer de recoller les morceaux entre usagers de l’école, sans aide, uniquement avec ses sensibilités. A aucun moment, il ne pourra prendre une décision incontestable, n’étant pas supérieur hiérarchique, ou n’ayant pas les moyens juridiques adaptés.
Dans son préambule, Monsieur le Ministre rappelle que ces « questions sont importantes », et que les directeurs d’école jouent un rôle essentiel dans notre pays ». La CFTC EPR se félicite du travail des directeurs et directrices d’école qui se dévouent pour la République Française. Pour autant, elle constate que concrètement, la reconnaissance de leur métier n’est toujours pas actée. Entendre dire que la direction d’école est une « tradition, un professeur parmi les professeurs qui accepte cela », pour la CFTC-EPR, revient à dire que l’Education Nationale se satisfait de la situation actuelle dans les écoles, tant qu’il y aura des volontaires ?
« 65% des écoles bénéficient d’une décharge de service » : cela signifie que 35% des directeurs n’ont aucune journée pour effectuer leur travail de direction ! De même, avancer le pourcentage de 65% noie le sujet d’entrée. La majorité de ces écoles ne disposent que d’une journée de décharge pour effectuer le travail de direction. Et cela ne peut se faire en une journée : accueillir les parents, organiser les plannings, organiser les remplacements, préparer les réunions, effectuer les courriers pour la mairie et l’inspection, effectuer les enquêtes, « assumer un certains nombres de responsabilités… et c’est exact que les directeurs d’écoles se sentent débordés par rapport à l’ensemble des choses qui leurs sont demandés», comme le précise le Ministre.
Les réponses de Monsieur le Ministre pourraient nous faire sourire, si la situation n’était pas à déplorer :
- Les directeurs d’école « disposent d’une nouvelle application appelée ONDE. » Il est à noter que cette application est une charge supplémentaire pour le directeur et se traite par internet. Bien sûr, nous ne nous attarderons pas sur la qualité des réseaux internet dans les écoles. Les documents que l’on y trouve ne correspondent pas aux attentes des directeurs et ne facilitent en aucune façon les liens avec les familles, comme le croit notre ministre.
- C’est bien la première fois que l’on entend qu’il puisse y avoir des plateformes mutualisées de secrétariat, énoncés par le ministre. Les directeurs d’école ne connaissent pas cette possibilité, à ce jour. Il serait judicieux de connaitre les différentes académies où cela se pratique et quelles sont les modalités envisagées.
- Comment le Ministre peut-il se targuer que les directeurs d’école puissent avoir des perspectives de carrières des plus intéressantes, en nommant l’accès à la classe exceptionnelle. Pour rappel, la classe exceptionnel est un grade, et non pas une évolution de carrière. On ne peut y accéder qu’à partir du troisième échelon de la hors classe. L’évolution dans le métier, qui serait véritablement une perspective de carrière, est de pouvoir accéder systématiquement, par liste d’aptitude spécifique, au statut de chef d’établissement dans le second degré. De même, que dire sur la promesse engagée par le gouvernement en 2014 sur la création du GRAF (Grade à accès fonctionnel), réservé initialement aux directeurs, dont le projet est mort-né, laissant les directeurs d’école une fois de plus sur leur faim.
- Le ministre souligne les efforts effectués pour la formation des nouveaux directeurs. Peut-on s’en satisfaire lorsque l’on sait que les directeurs d’école sont livrés à eux même ensuite, sans aide, sans soutien, sans arme juridique, sans outil ! Qu’en est-il de la formation et des informations des directeurs en poste, face à la multitude de travaux, de responsabilités, de textes, qui ne cessent de croitre ?
- Concernant les aides administratives, le ministre reconnait qu’à court terme, cela engage son ministère, « ainsi que les collectivités locales, parce que c’est elles qui fournissent cette aide ». Nous constatons que le ministre a peu de connaissance sur le sujet. En effet, cette aide administrative est fournie par l’Education nationale, par l’intermédiaire de collèges mutualisateurs recruteurs, sur la base de contrats aidés. Cette aide est issue du protocole de 2006, signée par des syndicats. En aucun cas il a été convenu l’utilisation de contrats aidés. Cette décision relève du gouvernement. Il lui appartient d’appliquer ses engagements en mettant à disposition des directions d’école un assistant administratif sur un emploi pérenne. Cela relève de sa compétence. « Une vision d’articulation entre le collège et l’école », à ce sujet, comme le dit le ministre, ne correspond aux besoins pour faire face à la réalité du terrain, pour la CFTC-EPR ! Le Ministre déplace le problème et le botte en touche !
- Balayant d’un revers de main la demande du statut de la direction d’école, Monsieur le Ministre notifie « que le statut de l’école et de sa gestion administrative est un dossier qui a énormément d’implication ! » et doit être vu « dans la globalité de la réflexion que l’on a actuellement sur l’école primaire ». Pour la CFTC-EPR, le temps de la réflexion est passé !
Les réponses apportées par Monsieur le Ministre semblent être bien loin des attentes des directeurs et directrices d’école.
Ces derniers ne cessent d’être les dindons de la farce depuis des décennies. De même, la CFTC-EPR constate que les responsables de l’Education Nationale ont une grande méconnaissance du métier de la direction d’école et de la vie d’une école au quotidien, qu’elle n’a pas sur les rails un véritable projet sur le sujet de la direction d’école.
La CFTC-EPR propose un projet innovateur, celui de donner aux écoles les moyens de fonctionner en créant le statut de la direction d’école et d’en fixer ensemble des paramètres.
Le temps n’est plus à la réflexion, mais à l’action !
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